La Place Carnot, située dans le deuxième arrondissement de Lyon, sert de véritable articulation urbaine, interconnectant la gare de Lyon Perrache avec le reste de la ville. Cette place présente un caractère complexe, marqué par la division de l’espace générée par la large rampe qui conduit au centre d’échange, séparant ainsi symboliquement et physiquement la ville en deux.

Le centre d’échange et la gare de Lyon Perrache, importante interface de transport, clôture le paysage urbain au sud, créant une dichotomie marquée entre les deux parties de la place. Leurs position confère à la place une dynamique particulière, oscillant entre le flux constant des voyageurs et la quête d’un espace de vie et de convivialité.

Autrefois, la statue de la République trônait au centre de la place, offrant un point d’intérêt majeur. Cependant, son déplacement vers le côté a résulté en une diminution notable de ce point d’ancrage visuel. Si ce changement de position peut avoir été motivé par d’autres nécessités urbanistiques, il n’en reste pas moins que cela a influencé la perception de la place, atténuant l’impression de centralité qui prévalait auparavant.

La particularité de la place réside dans sa double fonction : elle est à la fois un point de transit dynamique, rythmé par les voyageurs qui y transitent quotidiennement, et un lieu de vie aspirant à offrir des moments de calme et de contemplation. Toutefois, l’équilibre entre ces deux usages peut être délicat à maintenir.

Notre proposition, visible depuis tous les côtés de la place, est une initiative réfléchie pour rétablir cette centralité perdue. Sa forme courbe, qui semble embrasser l’espace et le flux de personnes, devient un nouvel aimant qui attire et encourage le visiteur à réfléchir et à s’engager.

Le positionnement stratégique du monument, tout en favorisant la contemplation, a également été pensé pour minimiser les perturbations pour les passants. Il se fond dans la vie quotidienne de la place, offrant une opportunité de réflexion pour ceux qui choisissent de s’arrêter, tout en respectant le rythme des personnes en déplacement.

Notre proposition de monument sur la Place Carnot cherche un juste milieu entre être un point de passage et un lieu de rencontre. Il est une révision soigneuse de l’espace qui souhaite respecter le passé tout en s’intégrant à l’activité urbaine d’aujourd’hui.

Avec une profonde conscience de l’importance de ce mémorial pour la ville de Lyon, nous souhaitons partager avec vous la démarche derrière notre conception architecturale.

Le mémorial que nous avons conçu repose sur trois piliers essentiels : la mémoire, l’altération et le symbolisme.
Notre mémorial est un poème gravé dans la pierre et le temps. C’est un chant du souvenir, un cri contre l’oubli, racontant l’histoire d’un voyage à sens unique, un aller sans retour. Les deux volumes de notre structure, inversés l’un par rapport à l’autre, sont les strophes silencieuses de ce poème, le récit de trains qui partent pleins et reviennent vides.

L’empreinte du temps est intrinsèque à notre design. Le béton et le pisé alternent, tels le souvenir et l’oubli. Le béton, comme la mémoire, reste inébranlable, tandis que le pisé, tout comme l’oubli, s’érode peu à peu. Au fur et à mesure que le pisé se dégrade, les noms, gravés dans le béton, émergent. Ils deviennent des rappels visibles de ceux qui ont été déportés, et de notre devoir de ne jamais oublier.

Notre mémorial est un édifice en pierre sculpté par le temps. Il s’érige non seulement en hommage aux victimes de l’holocauste, mais également comme une incitation à la réflexion, un rappel constant de l’importance de la mémoire et des dangers de l’oubli.

Ainsi, nous vous présentons notre vision : un mémorial qui, à l’image d’une chanson ancienne, résonne dans nos esprits et nous rappelle sans cesse la valeur incommensurable de chaque vie perdue.

Au cœur de l’œuvre, le béton domine, matérialisant la mémoire inébranlable et persistante des victimes de la Shoah. Ce matériau brut et robuste, souvent associé à l’architecture moderne, possède une texture et une tonalité qui évoquent la gravité de l’histoire qui y est gravée. Le béton offre également une surface adaptée pour la gravure des noms.

Le pisé, une technique de construction traditionnelle utilisant de la terre crue, est aussi intégré au monument. Son altération naturelle et progressive rappelle l’érosion de la mémoire collective face à l’oubli, invitant les passants à se souvenir de l’importance de préserver l’histoire.
Le sol du monument est attentivement conçu pour encourager la déambulation et la réflexion. Un chemin en terrazzo de pisé, lisse et invitant, guide les passants à travers les deux volumes massifs du monument. Son aspect doux invite au mouvement et à la contemplation.

L’extérieur du premier volume est défini par une surface de gravier, créant une barrière subtile entre le monument et le passant. Cet aménagement, tout en favorisant le respect du lieu, offre un espace potentiel pour des cérémonies ou des commémorations. Le gravier est encadré par une fine bande de métal, qui crée une délimitation visuelle claire. Cette bande métallique est en écho avec les délimitations des espaces déjà présent sur la place, ajoutant à la cohérence de l’ensemble.

Le monument que nous avons conçu pour la Place Carnot est soigneusement pensé pour établir un dialogue subtil avec la lumière. Les bandes lumineuses fines, qui longent les volumes du monument au niveau du sol, jouent un rôle essentiel dans cette conversation lumineuse.

Ces bandes lumineuses dessinent les contours de l’édifice la nuit, soulignant sa stature imposante et évoquant le poids historique qu’il porte. Elles permettent de mettre en exergue la verticalité du monument, qui se dresse comme un phare de mémoire au cœur de l’agitation urbaine. Leur luminosité discrète et diffuse renforce le sentiment de gravité et de solennité que doit inspirer un tel lieu.

L’éclairage au niveau du sol met en valeur la texture brute du béton et du pisé, faisant émerger des ombres qui accentuent le relief des inscriptions gravées et mettent en lumière la matérialité de l’œuvre.

De plus, cet éclairage subtil guide les passants, les invitant à une pause contemplative dans leur trajet, à se recueillir et à réfléchir. Il crée une atmosphère de sérénité et de respect, une invitation silencieuse à se souvenir.